Canova, Hayez, Cicognara L’ultima gloria di Venezia : exposition à Venise, Gallerie dell'Accademia

Déjà plus de dix ans que les travaux de l'Accademia se poursuivent, sans réelle certitude sur leur date d'achèvement. En attendant, le plus important musée de peinture vénitienne célèbre dignement son bicentenaire avec une exposition remarquable sur le monde culturel au début de l'occupation autrichienne. Si son parcours dans les nouvelles salles du rez-de-chaussée avec quelques prolongements à l'étage paraît parfois erratique, son propos apporte un éclairage bienvenue sur une période méconnue, en croisant évènements historiques et objets d'art. Car l'histoire de l'art ne s'arrête pas à Venise après la chute de la Sérénissime en 1797, même si la place de la cité sur la scène artistique du début du XIXe ne peut guère être comparée à celle des glorieux siècles précédents.


Giuseppe Borsato, Benedetto Barbaria et Bartolomeo Bongiovanni, Table de l'Hommage des provinces vénètes, 1818, acajou, bronze doré, or, argent, émail, pâtes vitreuses, 90x85 cm, Konopiště (République tchèque), The National Heritage Institute, château de Konopiště

Restée plus d'un millénaire indépendante face à toutes les puissances d'Orient et d'Occident, la Cité des Doges subit rien moins qu'un traumatisme lorsque les troupes d'occupations du général Bonaparte mettent fin à son autonomie. Commence alors une longue période de domination étrangère, essentiellement autrichienne, qui prendra seulement fin avec l'intégration de Venise au royaume d'Italie en 1866. Entre mai 1797 et janvier 1798 puis de 1805 à 1815, le territoire vénitien est rattaché à la France. Bien que de courte durée, la première période française est particulièrement éprouvante avec la suppression des institutions séculaires et les spoliations patrimoniales. L'enlèvement des Chevaux de Saint-Marc dominant fièrement la façade de la basilique n'est pas le moindre coup porté par les troupes françaises aux Vénitiens_ une spoliation pour le moins ironique dans la mesure où ce groupe en bronze se trouve à Venise suite au détournement peu glorieux de la quatrième croisade sur Constantinople en 1204, les pilleurs devenant pillés quelques siècles plus tard...au Congrès de Vienne qui règle en 1815 le sort de l'Empire après Waterloo, Antonio Canova, adulé dans l'Europe entière, obtient de nombreuses restitutions d’œuvres prises en Italie, notamment à Rome où il résidait et à Venise où il s'était formé. Le retour des Chevaux de Saint-Marc, véritable emblème de l'identité vénitienne, au sanctuaire de l'évangéliste fut accueilli avec une joie aussi immense que leur prestige. Une série de dessins et d'estampes témoigne du débarquement du quadrige de bronze sur la Piazzetta, avant d'être de nouveau hissé sur la façade de la basilique, sous les yeux d'une foule occupant tout l'espace de la place. La cérémonie se déroule le 13 décembre 1815 en présence de l'empereur François Ier d'Autriche, nouveau maître de la Sérénissime.

A cette occasion, une étude historique est publiée sur les chevaux de Saint-Marc par Leopoldo Cicognara (1767-1834). Ce comte d'origine ferraraise voyage dans ses jeunes années entre Bologne et la Sicile, en passant par Rome où il se lie d'amitié avec Canova, pour s'intéresser entre autres à l'archéologie et à la cartographie tout en écrivant poèmes et textes érudits. Revenu dans sa ville natale, Cicognara rejoint en 1796 la délégation ferraraise à Modène qui rencontre Bonaparte, lequel le nomme président de la Junte de défense général. L'année suivante, Cicognara devient membre du Corps législatif de la nouvelle République cisalpine puis son ministre plénipotentiaire auprès de la cour de Savoie à Turin. Après l'épisode piémontais, il entame de nouveaux déplacements en Italie ainsi qu'à Paris, non sans quelques déboires avec le gouvernement français qui lui pardonne bien vite. Cicognara, lassé par la vie politique, choisit de se consacrer uniquement aux activités intellectuelles et remet la démission de ses charges à Napoléon, qui les accepte. Établi en 1808 à Venise, il devient alors président de l'Accademia di Belle Arti puis celui de l'Ateneo Veneto en 1812. La place de Cicognara dans le paysage culturel vénitien du premier Ottocento s'avère notable : non seulement par sa production littéraire, consacrée par les trois tomes de sa Storia della Scultura parus entre 1813 et 1818, mais aussi par son activité institutionnelle prenant en compte de nouveaux aspects de promotion et protection des biens culturels. Le séjour entamé à l'automne 1813 à Paris s'interrompt à la chute de l'Empire : rentré à Venise, Cicognara est confirmé dans ses charges par les Autrichiens, qui lui accordent une égale confiance. Le Portrait de la famille Cicognara avec le buste colossal d'Antonio Canova montre un notable dans une intimité raffiné. C'est aussi l'image d'un fervent promoteur de Canova, tant à travers son effigie plus grande que nature exécutée par son élève Rinaldo Rinaldi (le marbre, aujourd'hui dans une collection privée vénitienne, est également exposé) que par l'estampe présentée par Cicognara, reproduisant La Religion sculptée pour le tombeau de Clément XIII à Saint-Pierre. L'auteur du tableau n'est autre que Francesco Hayez, jeune élève de l'Accademia di Belle Arti de Venise protégé par Cicognara, séjournant alors à Rome sous la bienveillance de Canova. Son portrait de la famille Cicognara doit donc aussi être vu comme une marque de reconnaissance auprès des deux personnalités l'estimant comme le nouvel espoir de l'école vénitienne.
  

Francesco Hayez, Portrait de la famille Cicognara avec le buste colossal d'Antonio Canova, 1816-1817, huile sur toile, 143x188 cm, Venise, collection privée

Le même Cicognara prend une excellente initiative lors du tribut réclamé aux provinces vénètes par l'empereur d'Autriche à l'occasion de son quatrième mariage en 1817 avec Caroline-Auguste de Bavière (future tante de Sissi). Il obtient de la cour de Vienne de transformer une partie du paiement en œuvres d'art destinées aux appartements de l'impératrice. Les divers objets de la commande sont rassemblés dans la grande salle de l'Accademia abritant alors L'Assomption de Titien avant leur départ pour Vienne. Deux siècles plus tard, ils sont presque tous réunis dans l'exposition. La contribution la plus importante à cet hommage des provinces vénètes est fournie par Canova et sa gracieuse Polymnie, à l'origine un portrait en muse d'une des sœurs de Napoléon, Elisa Baciocchi, qui trouva ainsi un nouvel usage après la chute de l'Empire. La commande de sculpture comporte également des groupes mythologiques ou historiques, autels et vases à l'antique dus à des artistes de moindre talent que Canova, parfois passés par son atelier, parfois déjà actifs dans la Venise napoléonienne. Cicognara rappelle Hayez de Rome à Venise pour travailler avec d'autres peintres formés à l'Accademia à une série de peintures bibliques, dont ils font également les dessins en vue des somptueux recueils gravés destinés à l'empereur et l'impératrice. La couverture et le plat de chaque exemplaire sont ornés de médaillons en bronze doré : des compositions dansantes d'après Canova pour Caroline-Auguste, et deux bustes d'après des gemmes antiques pour François, réconciliant le moderne et l'antique à la gloire des Habsbourg. Roberto Roberti, fils d'un ami proche de Canova qui le soutient à Rome, et le décorateur Giuseppe Borsato, quant à eux, participent au tribut avec une série de vedute tout à fait dans la filiation de Canaletto, figurant des évènements liés à la domination autrichienne à Venise. Borsato fournit aussi le dessin de la Table de l'Hommage des Provinces vénètes, somptueuse avec ses bronzes en partie dorés dus au ciseleur Bartolomeo Biogiovanni et son plateau en trompe-l’œil par le verrier de Murano Benedetto Barbaria.


Antonio Canova, La Muse Polymnie, 1812-1817, marbre, 154x133x72 cm, Vienne, Bundesmobilienverwaltung, Hofburg, Kaiserappartements

Ami tant de Cicognara que de Canova, le peintre Giuseppe Bossi meurt à Milan en 1815, tout juste âgé de 38 ans. Avant sa disparition précoce, il réunit une importante collection de dessins anciens, étrangement ignorée par les institutions milanaises à commencer par la Brera dont il fut le secrétaire de 1801 à 1807. Après plus de deux ans de tractations, impliquant le gouvernement autrichien, les intellectuels vénitiens et l'abbé et marchand Luigi Celotti, le fonds Bossi parvient en 1822 dans les jeunes Gallerie dell'Accademia. L'acquisition se révèle formidable, avec certains des plus grands noms de l'art italien : Mantegna, Parmesan, Annibal Carrache...Bossi nourrissait surtout une passion, comme nombre des ses contemporains, pour deux génies de la Renaissance. Il avait grandement admiré à Milan La Cène de Léonard de Vinci, qu'il copia pour le vice-roi Eugène de Beauharnais (la toile exposée en 1809 fut hélas détruite en 1943) et à laquelle il consacra une monographie en 1810. Grâce à Bossi, Venise peut s'enorgueillir de posséder l'un des ensembles de feuilles les plus significatifs de Léonard de Vinci et son entourage, dont l'iconique Homme de Vitruve et une des premières études d'ensemble pour La Cène. Par contre, le groupe de feuilles acquis sous le nom de Raphaël n'a pas résisté à l'examen critique de la postérité, de sorte que seul un dessin y est aujourd'hui reconnu de la main du maître...

Si l'Académie de Venise se constituait désormais comme l'un des principaux musées artistiques d'Italie, elle conservait son rôle d'institut de formation, remontant à sa fondation en 1756. Sur le modèle d'autres académies européennes est institué en 1809 un prix donnant au vainqueur une pension d'étude à Rome, à charge d'envoyer aux académiciens des œuvres témoignant de leurs progrès. Le but de ce séjour était bien sûr de permettre aux jeunes artistes vénitiens de partir étudier peintures et sculptures de la Ville éternelle mais aussi de bénéficier des leçons et de la bienveillance de Canova, chef de file de l'école vénitienne dans la Ville éternelle. Organisé en 1809, le premier concours récompense Francesco Hayez ainsi qu'un élève originaire de Belluno, Giovanni De Min, auteur en 1812 des archaïsants Ajax et Hercule à la croisée des chemins peut-être sous l'influence d'Ingres. Hayez représentait en peinture un espoir aussi immense que Canova en sculpture, c'est-à-dire restaurer la grandeur artistique de l'Italie alors supplantée par la France avec l'atelier de Jacques-Louis David. Le jeune Hayez, sans pour autant exaucer un vœu aussi présomptueux, se montre clairement à la hauteur durant son pensionnat. Un calme sévère et vibrant anime les figures isolées d'Aristide (vers 1811) et de Solon (1811-1812), véritables échos des marbres canoviens. Légèrement plus tardif, Renaud et Armide (1812-1813) affiche une nouvelle ambition : le groupe encore très sculptural inscrit son érotisme fougueux et son paysage verdoyant dans la tradition héroïque de Titien, justement mis à l'honneur à l'Accademia par Cicognara qui y plaça son Assomption au lieu de la restituer sur le maître-autel des Frari.


Francesco Hayez, Renaud et Armide, 1812-1813, huile sur toile, 198x295 cm, Venise, Gallerie dell'Accademia

L'immense amour des Anglais pour Venise, déjà bien exprimé tout au long du XVIIIe siècle, se poursuivit avec une intensité singulière lorsque Lord Byron passa trois années dans la Cité des Doges entre 1816 et 1819. Le poète anglais, héros romantique presque malgré lui, avait quitté son Angleterre natale, dédaigneuse de ses mœurs et de ses opinions ; après quelques mois en Belgique et en Suisse, Byron fait donc une longue halte à Venise, étape de choix dans son périple jusqu'en Grèce, étape finale et fatale. Venise marque Byron autant que Byron marque Venise. Le résident du Palazzo Mocenigo mêle sa légende à celle de la ville lacustre : quand il ne participe pas au Carnaval ou ne nage pas dans les eaux du Grand Canal pour remonter jusqu'au Lido, le voyageur britannique se plaît à séduire tout ce que Venise compte de belles femmes, comme il s'en vante dans sa correspondance. Dans le salon de la comtesse Marina Querini, il rencontre la toute jeune Teresa Guiccioli, mariée à 20 ans avec un comte âgé de 57 ans, et entame une liaison adultère passionnée, jusqu'à suivre sa maîtresse à Ravenne chez son époux légitime ! Un scandale qui provoquera d'ailleurs le divorce de la comtesse Guiccioli, qui prit par la suite d'autres amants...la rumeur un peu tapageuse du Byron vénitien ne doit pas occulter une inventivité littéraire parmi les plus fécondes de son existence : le poète y complète son grand œuvre Le Pèlerinage de Childe Harold et écrit Beppo, histoire vénitienne, l'homme de théâtre imagine Marino Falieri, Doge de Venise et Les Deux Foscari, et l'écrivain compose son œuvre majeure, teintée d'autobiographie, Don Juan. Un corpus de textes fondamental pour l'esthétique romantique, inspirant en musique Donizetti et Verdi, ainsi que Delacroix en peinture. Si Byron trouve un matériau littéraire de choix dans la Venise des doges, déjà lointaine et fantasmée, il s'enthousiasme aussi pour ses contemporains. De sa rencontre avec les moines de San Lazzaro degli Armeni naît un intérêt majeur pour la culture d'Arménie, au point de songer à un dictionnaire anglais / arménien. Byron, aussi, loue Canova à travers Hélène, sa tête idéale la plus appréciée, lui inspirant l'épigramme On the Bust of Helen by Canova, November 1816. La beauté, l'art, la femme et la nature exaltées dans la sculpture touchaient aux intérêts les plus passionnés de l'écrivain.


Giovanni Battista Cigola, Portrait de Lord Byron in The Corsair of Lord Byron, Milan, Società Tipografica dei Classici Italiani, 1826, aquarelle et gouache sur parchemin, 14x8,6 cm, Brescia, Ateneo di Brescia Accademia di Scienze Lettere ed Arti Onlus

Canova glorifié, adulé mais mortel. Revenu à Venise, il s'y éteint le matin du 13 octobre 1822. Le culte du disparu est à la hauteur de sa réputation alors vivant. La dépouille de l'artiste reçoit les premiers honneurs publics par l'exposition du cercueil dans la grande salle des Gallerie dell'Accademia réunissant les chefs-d’œuvre de la Renaissance, sous cette Assomption de Titien que le défunt tenait pour le plus beau tableau du monde. L'oraison funèbre comme la mise en scène habile, où Canova prend place dans une histoire de l'art vénitien en prolongeant un glorieux passé, reviennent à Cicognara. Le directeur du musée revendique certes une appartenance de l'artiste à une culture locale, mais aussi sa renommée universelle à travers tout l'Occident, de la Russie aux États-Unis en passant par la France et l'Angleterre. Cicognara voulut pérenniser le souvenir intact de Canova dans un monument à sa stature, confié à ses disciples. Réceptacle de son cœur_ le corps du sculpteur repose dans sa ville natale de Possagno_, le cénotaphe dévoilé en 1827 dans la basilique des Frari à Venise reprend un projet de Canova pour un tombeau de Titien, resté à l'état d'esquisse. Non sans allusions maçonniques, le génie, les arts et le lion de Venise pleurent le maître, figuré dans un médaillon surmontant l'entrée de la pyramide à l'antique. Quelques décennies plus tard, d'autres disciples de Canova érigèrent face à ce monument le mausolée de Titien, dialogue spectaculaire entre les incarnations sérénissimes de la sculpture et de la peinture.


Giuseppe Borsato, Commémoration de Canova, 1824, huile sur toile, 60x79,8 cm, Venise, Fondazione Musei Civici di Venezia, Galleria Internazionale d'Arte Moderna di Ca'Pesaro

Canova disparu, les espoirs de l'école vénitienne reposent désormais sur Francesco Hayez, revenu de Rome en 1817. Pendant les années du retour à Venise, le jeune artiste déjà mûr se confronte encore aux thèmes et aux formes antiques, peignant vers 1820 un Philoctète d'un néoclassicisme coloré. Dans le même temps, néanmoins, Hayez cherche une alternative à la suprématie canovienne, qu'il admire et respecte mais qui ne correspond pas entièrement à ses aspirations. Il compte notamment la trouver parmi les "primitifs" vénitiens, de Giovanni Bellini au jeune Titien en passant par Cima da Conegliano et Giorgione, dans une démarche archaïsante qui n'est pas totalement étrangère à celle des nazaréens allemands ou des troubadours français.  L'opulente Milan, où tend à se concentrer la vie intellectuelle d'Italie du Nord, attire de plus en plus Hayez, qui y est accueilli avec enthousiasme. Son destin artistique se joue en fait dans la capitale lombarde : le Pietro Rossi qu'il expose à la Brera durant l'été 1820 peut être tenu pour l'un des manifestes de l'art romantique transalpin. C'est un sujet dramatique de l'histoire nationale à l'époque médiévale, traité avec un sens nouveau et efficace de la théâtralité, non sans renvoi à la peinture vénitienne du premier Cinquecento. Le mouvement amorcé par Hayez vers une nouvelle modernité se voit confirmé lors de son établissement définitif à Milan en 1823, où il mènera une carrière retentissante et sera considéré comme le chef de file en peinture du Risorgimento. Peint peu avant ce départ, un Autoportrait franc et audacieux annonce clairement le potentiel d'un talent appelé à délaisser sa Venise natale pour briller dans toute la péninsule italienne...comme un certain Canova quelques décennies auparavant.


Francesco Hayez, Autoportrait à 31 ans, vers 1822, huile sur panneau, 39,5x35,5 cm, collection privée

En conclusion sont célébrées les première acquisitions de l'Accademia, qui réservent quelques belles surprises. Dans son palais du Grand Canal, l'aristocrate vénitien Filippo Farsetti réunit un ensemble de plus de 150 plâtres d'après l'antique et bozzetti en terres cuites des meilleurs sculpteurs du baroque romain. La collection est ouverte au public dès 1755, suscitant l'intérêt du jeune Goya en voyage en Italie, copiant dans un carnet d'esquisses des sculptures de Bernin et de l'Algarde. La galerie Farsetti joua surtout un rôle fondamental dans la formation de Canova, qui y étudia longuement durant ses années de formation, et c'est pour cette famille vénitienne qu'il réalisa ses premières œuvres connues, deux Corbeilles de fruits aujourd'hui au musée Correr. Conscient de leur valeur, le gouvernement autrichien achète les plâtres Farsetti en 1805 pour l'Académie de Venise. Les étudiants pouvaient donc apprécier le Mars Ludovisi ou le Gladiateur mourant sans même se déplacer à Rome, avec ce fonds essentiel dans la formation artistique au moins jusqu'au début du XXe siècle. L'exposition permet aussi de (re)découvrir Le Repas chez Simon qu'avait peint Charles Le Brun pour les carmélites à Paris, qui n'avait pas été exposé au public depuis bien longtemps. Comment ce chef-d’œuvre du Grand Siècle a-t-il pu arriver à Venise ? tout simplement en échange, en 1815, des Noces de Cana de Véronèse aujourd'hui au Louvre, les Français arguant du fait que les dimensions et la fragilité de la toile ne permettaient pas un retour dans la lagune...certains trouveront la transaction guère à l'avantage des Vénitiens, mais d'autres se rappelleront que la Sérénissime avait offerte en 1665 à Louis XIV un tableau de Véronèse, toujours visible à Versailles, figurant justement Le Repas chez Simon. Il est à espérer que le tableau de Le Brun, majeur pour l'histoire de l'art français comme pour celle de l'institution italienne, trouve sa place dans les nouvelles salles des collections permanentes de l'Accademia. Dans le prolongement du parcours de l'exposition, les pièces dédiées à Canova et à la peinture vénitienne du Settecento récemment ouvertes, avec leurs nombreuses œuvres longtemps invisibles et leur présentation réussie, permettent d'être optimiste.

Canova, Hayez, Cicognara. L’ultima gloria di Venezia, du 29 septembre 2017 au 2 avril 2018, Venise, Gallerie dell'Accademia, Campo della Carità 1050, 30123 Venezia. Ouvert le lundi de 08H15 à 14H00, du mardi au dimanche de 08H15 à 19H15. Entrée (billet unique avec les collections permanentes) : tarif plein : 15 € ; tarif réduit : 7,50 €. Catalogue collectif, sous la direction de Fernando Mazzocca, Paola Marini et Roberto De Feo (Marsilio / Electa, 2017, 352 pages, 45 €).

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